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Sujet: [Nouvelles] Mes fictions Dim 24 Aoû - 23:10 |
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Mélodie Des Âmes
Silence. Tout autour de moi n'est que silence. J'aimerai briser cette pesante absence de rumeurs, mais rien n'y fait. Les chuchotis, paroles et autres hurlements restent en moi au stade de pensée, à celui d'idée. J'use de toutes mes forces pour faire claquer mes mains. Rien. Toujours ce lourd et impressionnant silence. Pourtant, je n'ai pas peur. Pas encore. Car si les sons refusent de se faire entendre, il me reste encore d'autres ressources pour communiquer avec le reste du monde. Si toutefois il y a encore un monde... Car tout est flou autour de moi. Seules circulent des ombres sans forme dans les étroits couloirs vagues. Ce n'est pas ma vue qui divague, autrement je serai moi aussi un amas de brouillard errant par ici. Mais je n'ai aucun problème pour distinguer mes contours, aussi définis qu'avant. Pourquoi le monde ne tourne-t-il plus rond ?
Je frôle parfois ces formes fantomatiques. Alors s'empare de moi une insoutenable chaleur qui me force à stopper ma procession dans cet étrange univers. En comparaison, les murs que je rase sont aussi frais que s'ils avaient été faits de métal et exposé à un froid extrême. Mais eux n'essaient pas de me happer par leur température contre-nature. Alors que j'avance, une étrange odeur agace mes sens et fait frémir ma peau. Ma langue soudain se fait pâteuse et un goût approchant de celui du métal submerge mes papilles. Alors que les spectres autour de moi se font de plus en plus nombreux et de plus en plus pressés, j'identifie la sensation étrange que me procure cet étonnant goût. Du sang. Je stoppe net ma marche afin d'observer mes mains. Celles-ci, pourtant si définies depuis le début, deviennent vagues. Les étincelantes couleurs de ma peau nue ternissent lentement, se rapprochant peu à peu de la monochromie des créatures alentours. Que se passe-t-il ?
Je me retourne lorsque parviennent à mes oreilles une multitude de sons. Cet agressif enchevêtrement de bruits m'empêche d'en identifier seulement l'origine, me cachant ainsi une issue possible à cet état plus qu'illogique. Je me tourne et me retourne sur moi-même, cherchant ainsi un indice quant à la direction à prendre. Quand au fatras qui a brutalement percé ce silence auquel je venais de m'habituer s'est ajouté un son identifiable, je cesse de tourner en rond. Le son lui aussi cesse. Alors je cherche à recréer cette sonorité particulièrement rassurante. Je marche et acquiers la certitude de l'origine de ce bruissement. Mes talons, pourtant dépourvus de chaussures, claquent sur le sol. Rassérénée par cet écho rebondissant contre toutes les parois de ces couloirs, je me précipite, essayant d'éviter les nombreux spectres qui tentent de me rejoindre. Le bruit de mes pas s'accélère. Je cours, ne faisant attention qu'à une seule et unique chose : ne pas heurter la moindre créature. J'ignore pourquoi, mais leur chaleur me signifie clairement que leur action sur moi ne me sera en rien bénéfique.
Alors que ma vitesse est à son paroxysme, une chose à laquelle je ne m'attendais absolument pas attire mon attention. Moi. Une personne que je sais être moi se trouve là, face au nuage spectral que je suis en passe de devenir. D'ici peu ce sera trop tard... Mon instinct me hurle d'accélérer encore le pas afin de ne faire plus qu'un avec cette enveloppe qui m'appartient. J'obéis, fermement décidée à obtenir le salut. Plus que quelques mètres ! J'y suis presque ! C'est bientôt fi... NON ! Je viens de trébucher. Une violente sensation de chaleur se propage en moi, alors que mon objectif s'éloigne de secondes en secondes. Je n'ai pas le temps de me lamenter, me débattant tant bien que mal afin de recouvrer ma liberté et de faire cesser cette horrible sensation de brûlure en moi. Mon combat est vain. Je me sens partir vers un endroit qui dorénavant sera ma geôle pendant que ma transformation en amas de vapeur s'achève. Reste à savoir ce à quoi ressemblera mon enfer personnel...
Bip. Bip. Bip. Ce son est plus agressif encore que ceux qui ont heurté de plein fouet mes tympans lorsque j'avais encore une consistance. Suis-je dans ma prison ? J'ouvre doucement les yeux, appréhendant ce que va découvrir mon regard en se posant sur ce monde. Blanc. Le plafond est bas, et blanc. Un blanc qui m'éblouit. Mais qu'y a-t-il d'autre autour de moi ? Peu à peu, je prends conscience de ce qui m'entoure. La première chose qui me frappe, outre l'étincelant blanc du plafond, c'est la sensation de froideur qui engourdit mon corps. J'ai d'ailleurs retrouvé une enveloppe à mon âme. La même qu'avant. Et pourtant, j'ai l'impression de n'être qu'une pâle copie de moi-même. Près de moi, une présence. Je tourne la tête. J'ignore qui est cette personne, mais elle me rappelle les créatures que j'ai rencontré. Alors c'est ça... Je suis de retour sur terre. Chez « moi ». C'est donc là mon Enfer. Les créatures m'ont ramenée ici. J'aurai pu partir, en finir. Mais quelqu'un en a décidé autrement. Une goutte d'eau tombe lourdement sur le coussin immaculé. Silence.
Dernière édition par Léane Belaqua le Mar 23 Déc - 8:16, édité 1 fois (Raison : Pour ne pas poster pleins de sujets différents pour la même catégorie ^^)
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Sujet: Re: [Nouvelles] Mes fictions Mar 23 Déc - 8:18 |
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La Seconde Injection
Paris, 14h50
« Léane Belaqua, vous avez été jugée coupable de haute trahison. En vertu de l'article premier du Code de la Paix et de la Sécurité Publique, vous êtes condamnée à mort. »
Je m'effondre sur mon banc, celui des accusés. Alors qu'un silence pesant s'était installé dans la salle d'audience, des hoquets d'étonnement, des gémissements de surprise et des respirations saccadées résonnent à présent. Je ne les entends qu'à moitié, concentrée sur les battements forts et irréguliers de mon cœur. Je me ressaisis et me lève de nouveau. Je m'apprête à répondre. Qu'ai-je à perdre à présent ? Mais pendant que je songe à mes mots, un hurlement déchirant retentit.
« Maman ! »
Chloé ! Ma petite fille... Ne pleure pas ! Tu ne dois pas te laisser aller de la sorte ! Sois forte ! Je n'ai pas le temps de concrétiser mes pensées en cet instant car déjà la milice la saisit et l'empêche de me rejoindre. Je la vois se débattre. Tais-toi ma fille ! Sinon ils agiront avec toi comme avec moi ! Toute à l'heure, lorsqu'ils m'auront ramenée dans ma cellule, celle que j'occupe depuis trois jours seulement, Chloé viendra me voir. Il va me falloir de la force pour lui faire comprendre certaines choses. Je devrais être dure. Pourtant, je ne suis pas de ces mères qui n'ont de cesse de rudoyer les sentiments de leurs enfants 'pour leur bien'. Ai-je vraiment le choix ? Qu'adviendra-t-il d'elle si je ne le fais pas ? J'ai bien peur de n'avoir aucune alternative. C'est beaucoup trop brutal... Je ramène mon regard vers le juge. Il bavasse gaiement avec la femme qui devait me défendre et qui n'a pas dit le moindre mot. Je connaissais par avance le jugement. Tout le monde savait comment cela allait se terminer. Depuis 2025, les choses n'ont fait qu'empirer. Et nous sommes aujourd'hui à l'apogée de cette tuerie. Des mains plus froides que la Mort enserre mon avant-bras nu. Je lance un regard méprisant à l'indélicat, pauvre soldat sans tête, qui me répond en serrant plus encore mon frêle poignet. Ce contact insistant me fait frissonner. Il fait un pas. J'en fais deux. Je suis entrée dans ce haut lieu d'injustice la tête haute, et j'en ressortirai de la même façon. Il me retient, causant à mon bras pâle une douleur vivace. Je me retourne, rugissante de colère. Alors, il me délie les mains. Que risque-t-il à faire cela ? La tenue des criminels, une simple toge beige, me prive d'un quelconque endroit où cacher une arme.
« Déshabille-toi, traînée ! »
A cette annonce, le silence revient. Seuls les sanglots étouffés de ma fille troublent le calme. J'obéis, sans pour autant me taire.
« Si j'étais une traînée, je ne serai pas ici. Elles ont au moins le pouvoir de faire changer leur jugement en devenant les putains des juges. »
Ces quelques mots teintent le visage de l'intéressé en un rouge criard. Je souris en tendant mes mains puisque maintenant que ma tunique est par terre, je n'en ai plus besoin. Aux yeux des mes tortionnaires, un condamné à mort n'a plus de dignité. S'ils croient que je vais essayer de m'enfuir, de me cacher, ou s'ils pensent que je vais me mettre à pleurer comme une enfant, ils vont être déçus. Très déçus. Qu'est-ce donc que la nudité ? Il s'agit juste de son montrer à l'état naturel. Alors je ne ferai rien de ce que les autres font en général lorsqu'ils doivent traverser la grande avenue dans cette tenue. Je marcherai, pieds-nus sur le sol cahoteux, la tête haute. La dignité ne passe pas par les vêtements que l'on porte. Personne jamais ne pourra m'enlever cette fierté qui m'habite. Lorsque le monde est aux prises avec l'injustice, la place d'un homme juste est derrière les barreaux.
À ma sortie de la salle, nul ne me hue. Quelques applaudissements sont violemment réprimés, les coups de crosse partant très rapidement. J'avance aussi lentement qu'il est possible. J'ai le pouvoir de faire changer les choses. Il faut que le maximum de gens ait vu ma posture et mon attitude. Peut-être alors que la révolution viendra au monde !
Après un quart d'heure de marche, je me retrouve de nouveau dans ma cellule. On me délie les poignets. Comme toujours, la corde les a ensanglantés. On me tend une nouvelle tenue, rouge cette fois-ci. Je l'enfile. « La robe d'infamie », c'est ainsi qu'on l'appelle. Les gardiens ont l'air décontenancés. Ils étaient quatre à attendre mon retour, armes en main. Je n'ai donné de travail à aucun d'entre eux. Pourquoi leur aurai-je offert ce plaisir ? Alors que les soldats de sa Pourriture s'éloignent, chuchotant au lieu de rire cruellement, la visite à laquelle je m'attendais, la seule que j'aurai d'ailleurs, arrive. Je la vois s'approcher calmement de moi. Ses yeux sont rougis et sa peau blême. Pauvre petite fille... Elle me regarde tristement, regrettant de ne pouvoir entrer dans ma cellule. J'aurai pourtant voulu la serrer dans mes bras. Je me contente donc de poser ma main à plat sur le plexiglas. Elle pose une de ses mains face à la mienne avant de presser le bouton qui lui permettra de m'entendre.
« Sois courageuse ma fille ! Il le faut. »
« Non maman ! Je ne peux pas... Tu... C'est injuste ! »
« Je le sais. Mais c'est ainsi. Il faut que tu survives, Chloé ! C'est à toi aujourd'hui de mener le combat pour que personne n'oublie ceux qui ont péri sans raison valable ! Il faut qu'on se souvienne ! La population de ce pays a le pouvoir de changer les choses ! Il faut simplement que la première pierre soit lancée pour laisser couler l'avalanche de rochers coupants. »
Une larme glisse sur sa joue. Elle hoche la tête.
« Regarde-moi Chloé ! »
Elle ne peut pas me regarder. Comme je la comprends ! Je lui laisse quelques instants pour qu'elle puisse se ressaisir avant de continuer.
« Chloé... Regarde-moi. Tout de suite. »
Elle s'exécute. Des rivières de perles translucides inondent son beau visage.
« Tu ne dois pas oublier cette image de moi. Je te l'ai dit. La place d'un homme juste en ce monde est derrière les barreaux. Cela ne signifie pas que tu doives faire comme moi ! Fais simplement ce qui est juste. Fais en sorte que le peuple sorte de sa torpeur. Aide-le à démarrer la machinerie infernale. Aide-le à conduire la Révolution. C'est ton rôle. Le mieux prendra fin dans quelques jours. Et tu dois prendre la suite. Je suis désolée ma fille. Mais c'est ainsi. Garde la tête haute. Toujours. Ne leur offre pas le plaisir de tes larmes, de ta haine. Donne-leur ce qu'ils haïssent le plus... »
Une voix se fait entendre, annonçant la fin de la visite. Mon enfant, après un bref au revoir, s'éloigne de moi. Bien que j'en aie envie, je me refuse à pleurer, appliquant mes propres conseils. Comment va-t-elle se débrouiller ? Elle est à peine majeure... Quinze ans... Ce n'est pas grand chose ! Elle est débrouillarde... Je sais qu'elle trouvera du soutien... Mais... Je ne peux m'empêcher d'avoir peur pour elle. Assise sur ma couche, je ressasse les évènements. En trois jours, me voilà condamnée à mort. C'est du rapide au moins ! Tout à coup, la porte de ma geôle s'ouvre, laissant entrer un homme d'église. Je me doutais que je serai exécutée le plus vite possible. Une erreur de leur part. Avant même que l'ecclésiastique n'ait eu le temps de me parler de repentance et autres âneries, je m'adresse à lui.
« Inutile de gaspiller ta salive. Je n'ai pas de Dieu. Et si tant est que ton Dieu existe réellement, jamais je ne me soumettrai à son jugement. Dis-moi une seule chose. Quand et comment vais-je être exécutée ? »
Un silence gêné s'installe. Il est visiblement surpris par mon attitude. Peu m'importe sa réaction. Seule la réponse est importante. Elle ne tarde pas à venir. Le prêtre sort sans avoir dit le moindre mot. C'est un jeune homme cette fois qui entre. Il attache mes mains et approche ses lèvres de mon oreille afin d'y murmurer quelques mots.
« D'ici trente minutes, tu seras assassinée par injection. Je suis désolé... Je t'admire tu sais ? »
Je plonge mon regard ambré dans la profondeur de ses yeux bleus. À mon grand étonnement, il est sincère. Voilà le premier converti à la cause humaine. Je lui souris. Oh ! Je ne suis pas aussi forte que l'on pourrait le croire. Je suis un peu effrayée... Je sais que je recevrai deux injections. Mes bourreaux sont certes des barbares, mais ils savent pertinemment que s'ils oublient la première des injections, ils auront à affronter la colère de tout un peuple. Je suis conduite, avec délicatesse cette fois, à l'endroit où mon cœur cessera de battre. Si je suis un peu effrayée, je ne le montre pas. On me place face à la vitre derrière laquelle se trouvent les témoins de mon assassinat. Je souris à mon enfant. Elle me rend mon sourire. Des inconnus se tiennent près d'elle. Alors, mes mains sont déliées. Ils ne courent aucun danger avec moi. Le seul risque que je représente est pour leurs consciences. Docilement, je m'allonge sur le métal froid. Un homme à l'air glacial pose sur ma poitrine deux électrodes. Je reste stoïque. Un vieillard en costume de pingouin trop court s'acquitte du discours d'exécution. Pendant ce temps, je songe à ce qu'ils qualifient de crime. J'ai essayé de sauver la vie d'un enfant qui se vidait de son sang sur le pavé malgré les avertissements de la milice. Il était un résistant. Voilà mon seul crime. Avoir voulu sauver, ou au moins soulager, les souffrances d'un enfant. Puisque le monde est devenu aussi cruel, j'accepte mon sort avec une joie immense. Et j'espère que ma mort servira à changer cela. Peut-être ai-je trop d'espoir...
Je ressens un picotement dans le bras. Le garde qui est venu me voir toute à l'heure me regarde alors que les autres fixent le vide. Je tourne la tête vers lui et lui souris alors que je perds petit à petit la conscience de mon corps. En quelques minutes, je ne ressens plus le froid de la table. Mes yeux sont fermés. Je ne peux les rouvrir. Tout ce qui est extérieur à mon corps ne m'est plus familier à présent. Ma perception du monde s'arrête à l'air qui traverse mes poumons et aux calmes battements de mon cœur. C'est étrangement apaisant comme sensation. Malheureusement, elle ne dure pas. J'ai l'impression que l'on force mon cœur à battre de plus en plus vite. Les violents afflux sanguins me brûlent les tempes. Mes poumons sont comme enflammés par le manque d'oxygène. J'ai mal ! Ma tête va exploser. Je vais exploser. Il est impossible qu'autant de sang circule à une telle vitesse en moi ! Plus les secondes s'égrainent, plus la douleur grandit. Mes pulsations cardiaques s'accélèrent encore et encore, et encore pendant que mes poumons ne reçoivent plus d'air. Mes muscles se contractent douloureusement et sans qu'aucun ordre ne leur soit donné. C'est la fin je le sens. Le prochain battement sera le dernier. C'est donc cela que cause la seconde injection...
« C'est fini... »
Paris, 16h00
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