Urgence -Matthew-

Visiblement, mon monologue avait eu son effet, même si elle était restée impassible pendant tout le temps où j’avais parlé. Elle me fixait, droit dans les yeux et elle posa sa main sur mon bras.

« Allons-y »

Si les circonstances avaient été différentes je lui aurai répondu « Alonzo » mais la situation n’était vraiment pas adaptée à ce genre de jeux de mots bidons. A la place, j’eus un bref sourire et je pris la main qu’elle avait posé sur mon bras dans la mienne. Je restais comme ça un petit moment ne sachant trop quoi faire. Je la regardais, juste, c’était vraiment très bizarre. A la fois, mon instinct d’ancien séducteur me poussait à me rapprocher, me rapprocher, me rapprocher, ça clignotait dans ma tête comme les messages d‘alerte de dysfonctionnement, genre « attention Matt, t’es en train de te planter » ; et à la fois, une part de mon moi conscient me disait de ne rien faire: ce n’était pas une fille ordinaire… Enfin, pas une cruche, quoi. Il fallait agir autrement. Après concertation de mes deux moi, je décidais qu’il fallait que je dise quelque chose.

« Où tu veux. »

J’avais rien trouvé de plus intelligent à dire. Finalement, pour ne pas rester plus longtemps inerte, comme un idiot tiraillé entre deux options de réaction différentes, je clignais des yeux et regardais autour de moi. L’eau avait bien baissé maintenant et je découvrais avec stupéfaction que nous étions juste à côté d’un.. Fleuve? Et qu’un peu plus loin devant nous se dressait un espèce de barrage qui venait de s’ouvrir. Voilà ce qui expliquait la chute soudaine du niveau de l’eau. Un autre détail me surprit aussi. Le jour pointait déjà et on y voyait plus clair… A quelle heure se levait le soleil dans ce pays? Je reposais finalement mon regard sur Silice, tenant toujours sa main et attendant qu’elle décide quoi faire.

Il m'avait balancé une minuscule biographie aux faits insolites comme ça, à la figure, peut-être parce que j'avais été stupide ou peut-être parce qu'il en avait envie, sans doute un peu les deux. Je ne lui avais pas mis le couteau sous la gorge non plus. Tout ça me semblait étrange, pas une seule goutte d'alcool ne coulait dans mon sang lorsque je l'avais invité, pas plus lorsque j'avais posé ma main sur le rateau qui nous servit de portauloin et pourtant tout semblait étrange comme pendant une gueule de bois où l'on se retrouve à un endroit sans réellement comprendre ce qui a bien pu se passer auparavant.
Il me prit la main que je lui avais donné sans que je tique pour un sous. A dire vrai, nous étions deux âmes paumés à l'autre bout du monde comme objets d'un poème étrange dont personne ne saisit réellement la signification.

Où tu veux.

Vraiment ? On peut retourner à Pré-au-lard et se dire au revoir ? Adieu ?
Je baissais les yeux et mon regard s'accrocha un instant à la boue qui salissait mes jambes nues et mes habits avant de partir plus loin et découvrir le fleuve large à seulement quelques mètres de nous, le fleuve dans lequel je serais en train de dériver si Matthew n'avait pas été là. L'eau partait à vitesse grand V et n'immergeait à présent plus que nos pieds. L'atmosphère cependant était toujours aussi lourde et humide. La chaleur était incroyablement étouffante mais la lumière nous faisait réalisé que nous pouvions respirer librement.
Il serait vraiment dommage d'aller ailleurs à présent. Après tout, celà fait une éternité que je ne suis pas allée aussi loin de l'Angleterre. C'est simple, depuis que je suis revenue d'Australie, je n'ai pas mis un orteil dans l'hémisphère Sud. Ma maison existe-t-elle toujours ? Ma maison d'Australie est-elle habitée ou disparue ?
Je chassai mon pays natal de mes pensées pour revenir en Thaïlande dans cette rue transformée en immense flaque d'eau.

L'aube est rouge... Viens, nous n'avons pas beaucoup de temps avant de retourner en Angleterre.

Il faut bien qu'il travaille et que je m’entraîne sur mon balais. En attendant, un lever de soleil sur le Pacifique ne peut pas se faire attendre et c'est sautant à moitié dans l'eau que je me dirigeait vers l'Est.

« L'aube est rouge... Viens, nous n'avons pas beaucoup de temps avant de retourner en Angleterre. »

En effet, le jour pointait de plus en plus. Silice reprit les devants et je la suivais sans rien dire. Elle était libre d’aller où elle voulait. Même à quelques mètres de là. Même en Angleterre. Même à l’autre bout du monde si ça lui chantait. Même sur la Lune… Mais je doutais fort que cela soit physiquement possible, de transplaner sur la Lune. Quoiqu’on ne peut pas dire tant qu’on a pas essayé. Si ça marchait, ce serait une révolution… Il serait alors possible de transplaner sur Mars, Jupiter et dans tout le système solaire… Voire dans toutes les galaxies… Avec l’équipement approprié, bien sur.
C’était une chose dont les sorciers ne semblaient pas trop se préoccuper, la conquête spatiale, alors que ça méritait surement le coup d’œil. Petit, je rêvais de pouvoir voler entre les étoiles… Mais je me rendis compte qu’en plus de ne pas être allé dans les étoiles, je n’avais même pas tant foulé le sol de ma propre planète. Je compris alors que j’allais voir le soleil se lever pour la première fois de ma vie dans l’hémisphère Sud. Wow. Je réalisais soudain avec cette brutalité écrasante que peut avoir la réalité des faits sur nous que je n‘étais sorti de chez moi qu‘à de très rares -trop rares- occasions. Je n‘avais jamais vraiment voyagé. Pire, je n’y avais même jamais vraiment pensé.
Comment n’avais-je pas pu juste vouloir découvrir le monde ne serait-ce qu’un peu? Comment était-il possible que pendant toutes ces années où je n’ai strictement rien fichu de ma vie, je n’aie même pas pensé une seule fois à changer d’air, à aller voir ailleurs? Comment avais-je pu être aussi casanier, aussi borné, aussi stupide? Comment mon rêve d’enfant de parcourir la voute céleste avait-il pu si vite s’évaporer? Je réfléchis et réalisais que je n’avais même jamais visité Big Ben, alors qu’il était dans la ville où j’avais passé le plus clair de mon temps à ne rien faire. Je pestais contre moi-même. Alors que nous marchions, je demandais à Silice tout en regardant au loin.

« Dis, t’as beaucoup voyagé, toi? »

A mesure que nous marchions, les immeubles se faisaient moins hauts, les gens plus rares. Le niveau de l’eau était désormais bien bas et toutes les barques avaient touché le fond. Certains semblaient les avoir laissé complètement au milieu de la rue à l’abandon, d’autres les portaient à deux ou trois au dessus de leur têtes, à l’envers. Je regardais cette civilisation étrangère avec un certain bonheur. Je souris sans raison apparente, mais quand j’y réfléchis, je trouvais de suite la cause de mon sourire. J’allais enfin pouvoir traiter mon patron d’imbécile pompeux de première catégorie. Parce que j’allais démissionner. J’étais perdu et la Thaïlande m’avait retrouvé. Sans parler mais la tête pleine de nouveaux projets, je laissais encore un peu cette étrange aventure se prolonger. Maintenant que j’y réfléchissais, cette histoire me semblait être un rêve… Et quelque part au fond de moi, je savais que le réveil serait dur.

J'avanaçais comme si j'étais seule... unique et isolée pourtant je pouvais entendre les pas de Matthew derrière moi, à quelques mètres. Difficile de ne pas faire le moindre bruit lorsque l'on marche dans une flaque d'eau boueuse géante. J'avais d'ailleurs extrêmement hâte de prendre une douche ou un bain dans de l'eau clair, peut-être m'élancerais-je d'une falaise pour tomber dans l'océan Atlantique une fois rentrée. A cette pensée je souris légèrement puis accélérai le pas comme ayant hâte de voir l'océan, celui que je n'ai jamais vu, le plus grand du globe et le soleil se lever sur cette vaste étendue d'eau. Peut-être étions-nous au milieu des terres, très loin du Pacifique et peut-être n'avions-nous pas la moindre chance de voir la petite boule de feu apparaître mais mes tripes me disaient que j'avais raison que l'océan n'était pas loin.
A moins que ce soit l'air salé qui me mette sur la voie... le bruit des vagues aussi. Le lever était proche et nous étions à moins d'un kilomètre, peut-être de cinq cents mètres.

Dis, t’as beaucoup voyagé, toi?

Je me retournai et le regardai... bonne question. Je n'avais pas le temps de répondre, le rayon vert, phénomène se produisant juste avant le lever du soleil ou juste après le coucher n'allait pas attendre.

Ca te dit de courir ? Pour moi ? Sur... mettons... 500 mètres maximum ?

Je souris comme si un sourire allait faire pencher son coeur en ma faveur et le décider à me suivre puis je me retournai à nouveau vers l'Est. Je n'avais jamais vu le rayon vert au lever du soleil et qu'une seule fois à son coucher. Il était temps de changer ça. Je tournai les talons, consciente que si Matt' ne me suivait pas je pourrais le retrouver par la suite et je me mis à courir aussi rapidement que possible en direction de la dune de sable. J'y étais. Une fois dans le sable, je faisait deux mètres pour reculer d'un mais rapidement, j'arrivais en haut tout sourire, les yeux fixés sur l'horizon. Je m'assis. Je serait là à temps, l'océan était calme pour que je vis le rayon vert. Je glissais mais mains dans le sable chaud et humide lorsque je le vis. Un point légèrement allongé d'un vert pas vraiment naturel durant seulement quelques secondes puis le eau de la boule de feu... le lever de soleil sur l'océan Pacifique.

Waouh. J'ai un peu voyagé mais je n'avais jamais vu ça.

Elle accélérait le pas sans que je m’en rende compte… En fait jusqu’à ce qu’elle me demande de courir… Pour elle. 500 mètres? Je souris. J’aurais couru sur des kilomètres si elle me l’avait demandé… Mais peut être plus pour mon égo, ma fierté et mon honneur que pour elle. Non, je ne la connaissais pas assez pour ça. Mais je me mis à courir quand même, droit vers le soleil levant, vers la lumière. Je suivais Silice à une bonne allure, et je faillis me gaméler dans le sable alors que grimpais en haut de la dune… J’étais arrivé au sommet et mon souffle se coupa d’un coup.
Je savais que ce n’était pas l’exercice, il m’en fallait bien plus pour cela. Seulement, l’immensité de ce qui se déroulait devant moi… C’était gigantesque. De la mer, de partout, baignée dans une lumière encore hésitante, timide et réservée. Le soleil ne tarderait plus. D’un coup, un petit rayon surgit de nulle part, d’un vert surnaturel. Ce fut furtif, presque instantané. Le temps de cligner des yeux et il était déjà parti, laissant place à une lumière plus chaude, plus réelle, rouge et brûlante. J’étais en pure et simple contemplation, sans comprendre vraiment ce qu’il m’arrivait. Avais-je rêvé tout cela? Qu’allais-je raconter à mon retour? Il me semblait alors que je n’y retournerais jamais. Que je resterais là, pour l’éternité, à contempler ce levé de soleil sur le Pacifique. La voix de Silice me tira de mes rêveries.

« Waouh. J'ai un peu voyagé mais je n'avais jamais vu ça. »

Je ne dis rien sur le moment. J’étais juste heureux d’avoir pu partager ce spectacle avec elle, même si en soi, je ne savais vraiment pas grand-chose d’elle… C’était peut être l’occasion d‘en apprendre un peu plus. Je m’assis près d’elle et sans tourner les yeux de l’océan je lui demandais, vraiment curieux.

« Raconte moi. T’es allée où? »

J’étais persuadé que, même si elle était plus jeune que moi, elle avait au moins vu 10 fois plus du monde que ce que je n’en avais jamais vu. En même temps, c’était pas très compliqué. C’est pas non plus comme si j’avais jamais vu Big Ben que de loin, mais presque. Big Ben, Londres, Angleterre… Tous ces noms me semblaient si loin. Ils étaient complètement décalés par rapport à ce que j’étais en train de vivre. Comme s’ils appartenaient à un autre univers, à une dimension parallèle. Je ne parvenais pas à me dire que dans deux heures, voire une heure ou peut être même encore moins je serais de retour dans ce pays pluvieux et froid. Pour l’heure, je m’en fichais. Carpe Diem.

Je regardais à présent la bulle de feu monter, monter, monter... l'enviant presque. Un étrange souvenir refit surface. Je me souvenais avoir été serveuse pour quelques heures à peine, histoire de dépanner un vieil ami et dans ce temps là, j'avais fait une rencontre de cet homme persuadé que les moldus étaient bien plus renseignés que nous sur la nature des étoiles, des planêtes et du soleil... nous avions alors parler pendant une heure du pour et du contre de savoir exactement ce qu'est le soleil.
A présent en Thailande, je n'utiliserai qu'un seul mot pour le décrire : éblouissant.
Je clignai des yeux après l'avoir fixé et l'étrange petite sphère ronde ne pouvait disparaître de mon champ de vision, peu importe ou je regardais, elle restai là... fixe au beau milieu de tout.

Raconte moi. T’es allée où?

Je le regardai... le rond noir dans mon champ de vision commençait à disparaitre. Etait-il vraiment interessé par mes voyages ? Je ne savais pas mais parler peut être très bien. On ne parle pas assez. Je ne parle certainement plus assez. Je parlais beaucoup plus auparavant.
Je devais être assez insupportable.
J'attrapai du sable dans mes mains et en formait une boule assez compact pour jongler avec. Je fis la même chose deux fois... prête à monter une école de cirque.

Et bien... je suis née ici enfin pas très loin si on compare à l'Angleterre. Je suis née en Australie et j'ai ensuite plié bagages pour l'Ecosse enfin c'était plutot mes parents qui s'en sont chargés puisque j'avais... je ne sais plus quel âge à vrai dire. J'ai ensuite découvert l'Angleterre à Poudlard puis à Londres et l'Irlande un peu grâce à un ami. Entre temps, je suis allée du coté de Nurmengard... Oh le Maroc aussi... très sympa le Maroc... Je connais bien la Russie aussi et quelques pays européens mais...

Sans continuer ma phrase, j'attrapai les boules de sables et commençais à les lancer en hauteur. Moi, nerveuse ? Pourquoi avais-je parlé de Nurmengard gooosh autant visiter Azkaban pendant qu'on y est rieeen de plus glauque et étrange et aargh.

Et toi t'es allé ou ?

Je me dégageais alors du paysage pour regarder Silice puiser une poignée de sable pour en faire une espèce de balle ronde compacte, puis deux puis trois. Elle me répondit alors qu’elle commença à jongler

« Et bien... je suis née ici enfin pas très loin si on compare à l'Angleterre. Je suis née en Australie et j'ai ensuite plié bagages pour l'Ecosse enfin c'était plutot mes parents qui s'en sont chargés puisque j'avais... je ne sais plus quel âge à vrai dire. J'ai ensuite découvert l'Angleterre à Poudlard puis à Londres et l'Irlande un peu grâce à un ami. Entre temps, je suis allée du coté de Nurmengard... Oh le Maroc aussi... très sympa le Maroc... Je connais bien la Russie aussi et quelques pays européens mais... »

A mesure qu’elle parlait, mes yeux s’ouvraient de plus en plus grand, buvant ses paroles… Jusqu’à ce que j’entende Nurmengard. Si je n’étais pas déjà assis, je crois que je serais tombé par terre. Nurmengard. Ce seul mot restait dans mon esprit et m'avait ramené à lui seule à la violente réalité. Je n'étais pas tombé par terre physiquement mais mon esprit avait d'un coup dégringolé du nuage sur lequel il flottait. Nurmengard... What the hell? Expliquez moi. Comment une fille comme ça, je veux dire sympathique, jeune, jolie et visiblement ouverte d’esprit -bref- comment une fille pareille peut elle avoir déjà vu Nurmengard? L’une des pires prisons qui soient. Il paraît même qu’Azkaban fait limite moins peur à côté. Wow. C’est peut être une mangemort en fait… L‘autre fois, Nathan n‘arrêtait pas de parler du Sahara parce que sa copine mangemort pourrie jusqu'à la moelle y était… Donc peut être au Maroc… Coïncidence? Était elle vraiment de ces gens tarés qui tuent sans raison juste parce que c’est drôle et pour « purifier la planète »? Et si elle rapportait tout à Patterson? Et si elle savait que j’avais mis Axel à la garderie moldue? Et si elle n’attendait que de me livrer à la big boss pour recevoir une récompense contre ma mort? Et si elle me laissait coincé en Thaïlande? Et si… et si elle n’était pas mangemort? Ouais. Je préfère la dernière option, bizarrement. Quand elle eut fini de parler je lâchais une interjection d’admiration. Nurmengard quoi. Bref, je me forçais à penser à autre chose et Silice me donna même l’occasion de réfléchir pour de vrai en me retournant la question. Hum. Où avais-je été à part dans mon appartement?

« Euh… Alors quand j’étais gosse on allait en France ou en Espagne avec mes parents… Ah oui une fois en Italie… Et sinon euh… je connais bien Manchester, Londres et j‘ai déjà mis les pieds du côté de Plymouth mais ça s‘arrête là. En fait j’étais trop con pour sortir de chez moi, je crois. »

Je regardais Silice, absorbé par la course des boules de sable qu’elle envoyait de plus en plus haut… Nurmengard, et en plus elle sait jongler… mais qui est cette fille? Je hochais la tête, et pour m’empêcher de faire des suppositions débiles de paranoïaque, j’observais:

« T’es plutôt douée dis donc… »

Hum… On a vu mieux en matière de lancer de conversation mais j’étais encore sous le choc. Une idée me vint…. Mauvaise idée. Très très très mauvaise idée. Mauvaise question. Question débile, même… Mais je pouvais pas m’en empêcher, j’étais un peu comme un mouton affolé et trop stupide pour se calmer et réfléchir deux minutes à la meilleure solution à adopter. Réfléchir, c’est pour les renards, pas pour les moutons.

« Dis moi Silice… A titre d’information… Tu sais juste comme ça… »

Je détournais le regard. Je ne pouvais pas décemment lui demander cash, comme ça, si elle était mangemort. Non, non, non. Trop stupide. Peut être que j'étais un mouton croisé avec un renard, finalement. Je grimaçais, me retournais vers elle et secouais la tête.

« Ouais, non rien. Non, tu sais quoi? Oublie. Ouais, voilà. J’ai rien dit. »

Stupid stupid stupid man. Je me serais foutu des claques tout seul si elle avait pas été là. Bon. Comment est ce que j’allais retomber sur mes pattes? Parce qu’en général quand quelqu’un te dit ça, tu réponds « noooon mais zivaaa tu voulais dire quoi là? »… Il fallait juste que je trouve une question du même niveau mais juste un peu moins débile pour faire passer le truc… J’allais trouver une solution, c’était sur. Parce qu’à moins qu’elle ne me coupe les cordes vocales d’ici là, j’allais forcément être obligé de dire quelque chose… Sauf si elle était ce genre de fille à dire « ok » et à continuer à jongler normal, comme si rien ne s’était passé.

Le soleil avait à présent franchi complètement la ligne de l'horizon pour se cacher presque immédiatement derrière d'épais nuages qui annonçaient une averse prochaine. Le jour venait de poindre à des milliers de kilomètre de pré-au-lard et de son bureau de poste. Et il faisait chaud ici, bien trop chaud pour marcher, courir, danser ou quoique ce soit. J'avais terminé ma tirade et je m'en voulais toujours autant d'avoir mentionner Nurmengard... comme s'il s'agissait d'une destination touristique, d'un endroit rêvé par les petits anglais en mal de soleil... non... Nurmengard était l'endroit froid et effrayant vers lequel quelques sorciers paumés de ans avaient volé il y a quelques années, ne se souciant plus que d'une quête. En faisant voler les boules de sables en l'air, je savais que Matthew devait réfléchir... il devait bien se poser des questions... comment avais-je pu me retrouver à Nurmengard avant de passer la vingtaine. Bonne question, il faudrait que je la pose à Jagged un de ces quatre. Lorsque je le reverrai, après ma mort. Je ne suis pas pressée car contrairement à la gamine déprimée que j'étais alors, je ne souhaite plus mourir. Du tout.

Euh… Alors quand j’étais gosse on allait en France ou en Espagne avec mes parents… Ah oui une fois en Italie… Et sinon euh… je connais bien Manchester, Londres et j‘ai déjà mis les pieds du côté de Plymouth mais ça s‘arrête là. En fait j’étais trop con pour sortir de chez moi, je crois.

Ah la France. Je souris et regardais un instant l'homme assis à coté de moi. Trop con pour sortir de chez lui... et pourtant, il n'avait pas l'air si malheureux si loin, trop loin, vraiment loin de chez lui à cet instant précis. Avoir déjà vu la France et l'Espagne est déjà une chance. La France, je n'en connais pas grand chose, la demeure de Léane et la cave que Sand m'a léguée... voilà tout. L'Espagne m'est, elle, totalement inconnue.

T’es plutôt douée dis donc…

Nouveau sourire.

Dis moi Silice… A titre d’information… Tu sais juste comme ça…

Le mouvement de balles de sables ralentit et mon regard s'éloigna de l'océan pour tomber dans celui de Matthew. J'attendais. L'air de rien. Curieuse de ce qu'il allait bien pouvoir me demander.

Ouais, non rien. Non, tu sais quoi? Oublie. Ouais, voilà. J’ai rien dit.

Un nouveau regard interrogateur se forma sur mon visage. Les boules de sable s'écrasèrent sur mes jambes et je me mis à rire juste l'espace d'un instant.

Je n'ai pas la faculté d'oublier aussi vite... navrée. T'en as trop dit ou surtout pas assez. Au vue de la situation, rien ne pourrait me sembler stupide u décalé si tu vois ce que je veux dire et ça semblait important.

Je tournais mon buste vers lui. J'étais patience. Toute la patience du monde était résumée dans ce petit être assis sur une dune dans un milieu inconnu et presque hostile au vu des nuages sombres menaçant d'éclater à nouveau.

J'attend.

Je le regardai avec un sourire presque malicieux. Oh oui j'étais curieuse mais je ne le laisserait pas paraitre. Par contre mon entêtement était plus que visible et mon envie de gagner sa confiance apparente.

Je n’avais plus qu’à prier pour qu’elle reprenne les boules de sables qu’elle avait laissé tomber sur ses jambes… Mais non, à la place elle se mit à rire. J’étais fichu.

« Je n'ai pas la faculté d'oublier aussi vite... navrée. T'en as trop dit ou surtout pas assez. Au vue de la situation, rien ne pourrait me sembler stupide ou décalé, si tu vois ce que je veux dire, et ça semblait important. »

Haha. Le bon merdier. En même temps elle n’avait pas tout à fait tort… Les conditions étaient franchement bizarres et les questions bizarres devaient donc être admises… Mais pas celle là. Je tentais de me dérober balayant sa question de la main.

« Oh important, non non, c’était pas important du tout c’était juste… Je me demandais où t’avais appris à jongler et... »

Je la regardais un instant… Ok. Pas crédible. Matthew Winslow tu es un imbécile.

« J’attends »

Damned. Tourner 7 fois la langue dans sa bouche avant de parler, c’est ça qu’on dit? J’aurais dû écouter ma mère, une fois de plus. Enfin, mettons ça sur le compte des conditions exceptionnelles. Je regardais Silice avec une grimace. Elle était campée devant moi et avait planté ses yeux dans les miens. Je devinais bien rapidement que je ne la ferai pas changer d’avis et qu’elle allait s’armer de patience juste pour écouter ma question stupide.
Bon. J’avais plusieurs possibilités. Soit je me grouillais de trouver une question débile pour remplacer celle que j’avais en tête, soit je posais ma question. Vu mon incapacité à maîtriser les questions qui sortaient involontairement de mon esprit et que je finissais par prononcer, valait mieux pas que je cherche une autre question. Ca pourrait être pire. Donc il me restait à poser cette fameuse question au risque de me faire tuer si la réponse était « oui ». Enfin, j’avais quand même ma baguette dans ma poche. Je pourrais espérer me défendre… Peut être une minute et demie avec de la chance et si Patterson ne lui avait pas appris tous les trucs du métier… Je soupirais, résigné.
Oh et puis après tout, elle m’avait bien dit qu’elle était allée du côté de Nurmengard… Pas dans Nurmengard… Nuance. Et puis, un mangemort aurait surveillé sa langue, elle ne m’en aurait pas parlé…

« Bon ok. Dis moi, tu fais pas partie de ces tarés qui tuent des gens pour rien à tort et à travers et ton voyage à Nurmengard était donc purement touristique? »

Bon, j’avais pas dit mangemort, mais la périphrase suffisait amplement. Restait à savoir si j’allais être exécuté pour surveillance défectueuse de sale morveux ou non… Je pensais avoir ma réponse, et théoriquement, elle se ficherait plus de ma tête qu’autre chose, mais il y avait un risque. Bon, puisque c’était soit les derniers moments de ma vie, soit les derniers moments de ma vie dans son estime, je pouvais dire n’importe quoi, non? Enfin j’allais pas lui dire n’importe quoi non plus. Tant qu’à faire, je pouvais toujours tenter le tout pour le tout. Je rajoutais d‘abord, comme pour me justifier

« Désolé, mais ça me turlupine… Nurmengard quoi… Hum. Puis tant qu’on y est, j’ai une autre question pour toi. T’habites où maintenant? Parce que si on est dans le même coin, quand on sera revenu de… tout ça, enfin… Bref, on pourrait se boire un verre un de ces quatre? »

Je lui adressais un petit sourire, espérant d'un côté que ma deuxième question lui fasse oublier ma première... Mais vu son énormité, elle me donnerait surement deux réponses. Le top, ce serait un non et puis un oui. Le moyen ce serait deux non… Et le pas top ce serait deux oui… Et le pire ce serait un oui et un non. Quatre possibilités. Et un premier "oui" me surprendrait... Mais on sait jamais. Mes yeux restaient fixés sur Silice, appréhendant sans vraiment appréhender, sans vraiment réaliser non plus tout ce que je venais de dire… En fait, j’aurais dû juste lui proposer un verre une autre fois… Ca serait peut être passé pour de la timidité? Peut être, peut être pas. Mais quand on est stupide, on se refait pas.

Je plissai des yeux devant la luminosité blanche et désagréable mais aussi en attendant de savoir quelle était la question de Matthew. Je le saurais. Je n'avais aucun doute là-dessus mais savoir si je le saurai dans une minute ou deux heures, voilà la grosse question. J'attrapai à nouveau les balle de sable pour les détruire en serrant les doigts. Ce geste me fit un bien fou, il me calma, je me sentais comme dans un endroit familier.
Matt me bredouilla quelque chose aussi stupide qu’insensé... un sorcier voudrait-il vraiment savoir ou j'avais appris à jongler ? A vrai dire, c'était à Poudlard, je n'y avais pas appris grand chose mais la jonglerie en faisait tout de même parti. J'étais prête à attendre un bout de temps et Matthew devait bien le sentir. Finalement, il se décida à parler et sa question m'arracha un léger sourire.

Bon ok. Dis moi, tu fais pas partie de ces tarés qui tuent des gens pour rien à tort et à travers et ton voyage à Nurmengard était donc purement touristique?

Je le regardais dans les yeux, prête à nier à la fois la thèse touristique et la thèse de la grosse criminelle mais un instant je pensais que si Matthew pouvait me croire mangemort alors peut-être qu'il ne serait pas le seul. Je pourrais ainsi m'incruster parmi eux et les détruire de l'intérieur. Bien sûr, l'ordre du Phoenix est presque dissout mais pas entièrement, nous sommes encore quelques survivants, très peu, à nous battre contre ces forces noires. Mon air amusé devint rapidement sérieux.
Infiltration. Destruction. Fin des meurtres étranges, des morts inexpliquées et de beaucoup d'inégalité. Il faudrait que j'en parle à Woodrow. Je ne devais pas être totalement inconnue par les mangemort, j'en avais déjà défié une dans une boutique de balais et m'en étais sortie de justesse mais mon visage leur était-il réellement connu. La question se posait et il y avait de quoi se déguiser dans ce monde de magie. C'était donc avec curiosité que je regardais Matthew comme si son idée assez incongrue me paraissait à présent extrêmement intéressante. C'était risqué mais pas inimaginable.

Désolé, mais ça me turlupine… Nurmengard quoi… Hum. Puis tant qu’on y est, j’ai une autre question pour toi. T’habites où maintenant? Parce que si on est dans le même coin, quand on sera revenu de… tout ça, enfin… Bref, on pourrait se boire un verre un de ces quatre?

A cette question, je réagis plus rapidement et décidai de sourire. Je sortis ma main du sable pour la poser sur la sienne et la serrer. Un geste simple.

- Je n'ai pas été... enfermée à Nurmengard et j'habite Londres mais compte retourner à la campagne. Le lieu où j'habite importe peu, les distances sont toujours courtes.

Je lui lançai un sourire de défi et serrai un peu plus la main. Quelques gouttes commencèrent à tomber sur mon épaule et mon T-shirt qui venait juste de sécher.

- Prêt ?

Sans réellement attendre de réponse. J’agrippai son épaule de ma main libre frôlant ses lèvres, fermai les yeux et transplanai dans le pré devant la cabane interdite. L'Angleterre était noire et beaucoup plus sèche et fraîche que la Thaïlande. L'air frais me fit du bien. Je regardai autour de moi, il s'agissait du premier endroit où un homme m'avait invité à sortir et m'avait dit qu'il m'aimait. Un Poufsouffle. C'était dans une autre vie. Pourquoi avais-je choisi cet endroit ? Sûrement pour revenir au point de départ : Pré-au-lard.
Je me décrochai de Matthew avec précipitation et fis quelques pas en arrière.

Pendant tout le long elle me regardait droit dans les yeux… Mais je la sentais ailleurs. Elle me regardait comme si elle voyait quelque chose d’autre, derrière mes yeux… Ce qui est physiquement impossible. Bah, je devais être un peu sous le choc de ma débilité. Ce devait être ça. J’en fus persuadé quand elle me sourit et me pris la main, à ma deuxième question. Quelque part dans mon cerveau, ça clignotait, comme dans les voitures qui détectent une anomalie… En l’occurrence, c’était une anomalie plutôt sympa. Mon cerveau masculin n’arrêtait pas de faire des associations d’idées: Sourire + main sur la mienne = faible probabilité de râteau = tu peux l‘embrasser = etc… . Je répondis à son sourire, plein d‘espoirs.

« Je n'ai pas été... enfermée à Nurmengard… »

Je lâchais un cri de victoire dans ma tête qui se retranscrit en un petit rire nerveux

« … et j'habite Londres mais compte retourner à la campagne. Le lieu où j'habite importe peu, les distances sont toujours courtes. »

Je hochais la tête et répondis à son sourire…

« Cool. Deux bonnes nouvelles. »

La pression de sa main sur la mienne s’accentua. Dans ma tête, c’était plus un clignot, c’était un gyrophare avec une alarme… Seulement voilà je n’eus le temps de rien faire. Parce qu’elle avait déjà pris les initiatives à ma place. Sans attendre ma réponse à sa question dont je n‘avais même pas compris la vraie signification; elle avait déjà posé sa main sur mon épaule et ses lèvres étaient juste là, presque sur les miennes… J’attrapais sa taille quand une sensation désagréable qui n’avait rien à faire là me surpris et me fis tourner la tête. Les nuages de Thaïlande avaient disparus, l’océan tournait… Elle transplanait. C’était la fin du rêve. Back to reality… En Angleterre. Arrivé sur le sol britannique, je la lâchais et elle s’écarta de moi. Wow. Celle là, on me l’avait jamais faite.
Je regardais autour de moi… La cabane hurlante? Pourquoi pas hein… Je clignais plusieurs fois des yeux. Il faisait froid, il y avait du vent, tout était tellement différent… Mais l’alarme dans ma tête, elle n’arrêtait pas, le gyrophare tournait avec la même intensité. C’était plus fort que moi. Alors je franchis la distance qui me séparait de Silice sans savoir comment elle allait réagir, et je posais ma main sur sa joue et mes lèvres trouvèrent les siennes, juste un instant. J’avais rien à perdre de toute façon, maintenant que j’étais sûr qu’elle allait pas m’assassiner. Et puis après tout ce qu’elle avait fait, elle pouvait pas juste me mettre une gifle et me dire que j’étais le dernier des salauds (etc…), enfin le baratin qu’on me sort à chaque fois que je me prends à rateau quoi… Nan. Dans ma tête, c’était juste pas possible… Le gyrophare avait TOUJOURS raison.

Ok, le choc devait avoir été violent. J'avais été violente. Un pareil retour au Royaume Uni aurait pu rendre fou plus d'un moldu et troubler aussi des sorciers. A présent, les pieds dans l'herbe haute de ce pré, je me demandais ce qui m'étais passé par la tête et ce qui m'avait poussé à revenir ici. Le mal du pays ? Non, certainement pas.
Le temps ? Sans doute pas non plus... une écossaise ayant peur de fondre sous la pluie... ben voyons.
A l'instar des hommes de ne cherchant pas à comprendre les actions des femmes, je ne cherchai pas non plus à comprendre mes propres actions.
L'espace d'une fraction de seconde, j'hésitai à transplaner à Londres pour prendre mon balais laissé malencontreusement au service de départ des portauloin et retransplaner je ne sais où pour voler et me vider l'esprit et manger aussi et dormir... Hum. Faire ma vie quoi. Mais ça ne me sembla pas correct. Ca ne me sembla pas être ce que j'avais envie de faire non plus.
Je regardais donc Matthew enfin, cette silhouette dans la nuit qui devait être Matthew. J'attendais presque de la colère face à cette brutale apparition à un ou deux milles seulement du bureau de poste mais rien ne vint sinon le silence.

Je le vis avancer et le reste ne fut plus que toucher. Je sentis sa main chaude se poser sur ma joue froide puis ses lèvres sur les miennes avant de s'éloigner. J'attrapai sa nuque, ma dressant sur la pointe des pieds par instinct et l'embrassait à nouveau. Celà faisait longtemps que je n'avais pas embrasser quelqu'un sans avoir bu ou pris quelque chose, ça e semblait une éternité. La soirée que nous avions passé dans l'hémisphère Sud ou plutôt la matinée avait été plus étrange et plus forte qu'une drogue. Pluie tropicale, noyade, sauvetage, confession, levé de soleil...
Je m'éloignai de Matthew, décrochai ma main de sa nuque et retombai les deux pieds bien à plat sur le sol. Mes doigts trouvèrent ma baguette et je murmurai "Lumos". Une drôle d'impression de déjà vu... j'avais l'impression de voir l'un des films américain devant lesquels j'étais tombé avec Sébastien... les fins de rendez-vous ou l'homme raccompagne l'adolescente chez elle et qu'ils s'embrassent devant le porche. Je levai les yeux au ciel et priai pour que Matthew ne voit pas ça.
Je baissai ma baguette pour ne pas nous éblouir et sourit légèrement. Je n'étais pas bonne à ce genre d'exercice et encore moins à l'aise. Pendant un instant, je réfléchissais à sa réaction si je lui demandais de coucher avec moi puis l'idée m'apparut incongrue. Je ne faisais ça que dans un état second. Le reste du temps, je savais me tenir et ce soir, j'allais savoir me tenir.
Que dire dans un pareil moment ? Je n'avais qu'une envie : fuir. Retrouver un ami, ne pas lui dire un mot de ma journée, juste rire et manger... J'ouvris la bouche sachant pertinemment que les mots qui allaient en sortir n'auraient aucun charme ni sens mais je n'allais pas partir sans rien dire.

"Bon courage pour ton travail... demain. On se reverra."

A nouveau je transplanai pour apparaitre das mon minuscule appartement et tomber raide dans mon lit. Merde, il fallait que j'aille chercher mon balais.